Plus une exhortation qu’un sermon pour ce dimanche de Laetare, 22 mars 2020.
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Bien chers fidèles, très chers amis,
Voici désormais près d’une semaine que des circonstances extérieures nous obligent. Ce confinement imposé pour de justes raisons sanitaires en vue du bien commun de tous et de chacun nous prive d’une certaine forme de liberté, nous restreint dans nombres d’activités fort légitimes et nous demande une vraie docilité. Humainement, il ne faut pas se le cacher, c’est parfois très dur, voire inquiétant. Des personnes et des familles souffrent car touchées par la maladie, d’autres sont dans l’incertitude professionnelle. Mais puisque nous sommes catholiques, instruits de l’exemple de ceux qui nous ont précédés en des circonstances similaires, nous n’avons pas à céder au découragement, à la tristesse et à la colère. Car qui ou quoi peut nous séparer de l’amour de Dieu ? Parce que Dieu nous aime, Il veut et continue de faire de notre âme sa demeure et nous savons qu’Il n’oubliera aucun de ses enfants. Relisons la fin du chapitre VI de l’Évangile selon Saint Matthieu (VI, 25-34) : « … Votre Père sait que vous avez besoin de tout cela. Cherchez d’abord le Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroit. Ne vous inquiétez pas du lendemain, demain s’inquiétera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine ».
Par téléphone ou de visu mais de loin, j’ai pu prendre les nouvelles de nombre d’entre vous. Toujours une vraie joie de vous voir ainsi, souvent avec le sourire. De forts liens de charités se sont tissés entre certains d’entre vous et j’apprends, comme prêtre et pasteur à vous connaître et à vous aimer. L’église Saint-Pierre-Ville du quartier Blanqui s’est transformée en un archipel. Chaque foyer de fidèles ou d’amis est ainsi bloqué sur son îlot familial, plus ou au moins vaste. Nous sommes de ces ballotés du temps qui deviennent les naufragés du moment. Grâce à Dieu, chez nous.
Nous ne sommes pas habitués à ce mode de vie. Nous sommes moins à plaindre que Robinson, mais comme lui, cherchons d’abord chez nous et en nous tout ce qu’il faut pour bien vivre et rendre la vie plus agréable à ceux qui partagent le même isolement. En effet, celui-ci peut devenir une belle opportunité de mieux vivre, de mieux en couple et en famille. Soyez inventifs et organisés ! Cela nécessite beaucoup d’humilité, d’obéissance et de force d’âme. Pour cela, il ne faut pas rester inactifs et se ménager des moments de silence respectés par tous. Inspirons-nous de la vie des moines… Ce sont les experts en matière de vie confinée ! Ils ont su la rendre équilibrée et équilibrante car régulée et centrée sur Dieu et le prochain. Aussi, comme le moral est dans les assiettes, il ne semble opportun de ne pas trop faire carême en la matière. C’est le fils d’officier sous-marinier qui vous parle… Enfin, le véritable danger serait de ne créer que des relations virtuelles avec Dieu et le prochain en passant presque exclusivement son temps temps devant les écrans… Les dommages humains et spirituels, eux ne sont jamais virtuels, soyez-en certains. C’est toujours à force de bonnes excuses que nous finissons par avoir une mauvaise vie.
Ainsi, le Bon Dieu doit vraiment régner en vos foyers. Ceux qui ont consacré leur famille au Sacré-Cœur l’ont choisi d’une manière spéciale, les autres pourraient y songer ! Je sais ô combien les journées sont déjà bien occupées avec les devoirs scolaires, le télétravail et tous les devoirs de la vie quotidienne. Cependant, prenez un temps de prière en famille chaque jour. Alors l’amour des uns pour les autres règnera en grandissant en vos cœurs. Prenez le temps de parler, prenez le temps de lire, prenez le temps de jouer ! Que ceux qui me connaissent en profiter pour faire des progrès à la marmotte… Je les attends à la fin de la quarantaine de main ferme… la vie à deux ne me permettant pas de pratiquer….
En toutes choses :
« Mes yeux vont sans cesse au Seigneur; c’est Lui qui du filet dégagera mes pieds. Tournez-vous vers moi, prenez-moi en pitié, car je suis seul et malheureux. Vers vous, Seigneur, j’élève mon âme; en vous, mon Dieu, je cherche un abri : que je n’ai pas à rougir » (Introït du 3ème dimanche de Carême).
Le carême est si riche en textes liturgiques, le chapelet ou le chemin de croix le vendredi. Je vous invite particulièrement à vous unir par la prière et la pensée avec les abbés qui continuent à ce que résonnent à Saint-Pierre Ville aux horaires habituels, louange et gloire à Dieu. Vous pouvez trouver tous les horaires sur internet et Facebook Tours.
Le dimanche est un jour particulier. Même si vous êtes dispensés de l’assistance à la messe dominicale, vous avez le devoir de sanctifier ce jour-là au moins en passant trente minutes en prières, le temps d’une messe basse. Je vous conseille d’aménager un oratoire qui pourrait prendre la place habituelle de la crèche, afin qu’il y ait un lieu privilégié et soigné de prière. Vous pouvez bien vous habiller puis vous mettre dans les meilleures conditions pour prier, particulièrement le silence. Vous pouvez lire les textes de la messe, prier le chapelet, vous préparer à la communion spirituelle et prendre le temps de l’action de grâce, le tout entrecoupé par des chants. Vous pouvez tout aussi bien regarder la messe sur internet. Il existe de nombreuses et riches initiatives en ce sens. Je me permets juste de vous rappeler que l’assistance à la messe de cette manière n’est pas la même qu’à l’église. Une position à genoux par exemple doit être expliquée aux enfants. Faites aussi attention à ce que l’assistance soit continue et respectueuse. Aussi, veillez à ce que le lien avec Dieu ne soit rendu possible qu’à travers un écran. Ils sont déjà omniprésents pour le travail scolaire, les activités professionnelles. Il n’est en rien un objet sacré. Il est même parfois un vecteur privilégié du contraire. Rien ne vaut l’union personnelle avec Dieu et le fait de prier ensemble, en union avec les autres dans la communion des saints. Rien ne vaut aussi le contact avec le Seigneur à travers un livre, en particulier, la Parole de Dieu, les écrits des pères de l’Église ou le trésor de textes liturgiques. Rien ne vaut le fait de prier ensemble, les uns à côtés des autres, dans un acte de foi et d’humilité.
Aussi les églises restent encore légalement ouvertes. N’est-il pas possible aussi de profiter de la sortie pour chercher quelques courses pour passer devant une église et penser au Saint Sacrement qu’y habite. Se rendre à l’église la plus proche et y prier, Maison de Dieu et Temple du Sacrifice de la messe, selon ce qui est raisonnable en terme de distance et de mesures de sécurité est ce qui est sans doute le mieux. Saint Pierre-Ville reste pour l’instant partiellement ouverte le dimanche… Rendons grâce à Dieu !
Beaucoup d’entre nous ne pourront pas communier et vivrons la « communion spirituelle »… La meilleure définition qui ait été faite de la communion spirituelle reste celle du saint Concile de Trente : « Elle consiste dans un ardent désir de se nourrir du Pain céleste, avec une foi vive qui agit par la charité et qui nous rend participants des fruits et des grâces du Sacrement » (Session XIII, ch. ?. Pour ce qui est des fruits (ou effets) de cette communion de désir, les théologiens affirment que ce sont les mêmes que ceux de la Communion Sacramentelle. Résumons-les en quatre mots avec Saint Thomas d’Aquin : « Comme l’autre communion… elle soutient, fortifie, répare et réjouit ». Sans oublier l’effet principal qui est de nous unir au Christ d’une manière si intime que nous puissions dire avec saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20). Saint Alphonse de Liguori nous a composé cette belle prière du désir de communier :
« Mon Dieu, je crois que vous êtes présent dans le Très-Saint-Sacrement. Je vous aime par-dessus toutes choses et mon âme soupire après vous. Puisque je ne peux maintenant vous recevoir dans le Saint-Sacrement, venez au moins d’une manière spirituelle dans mon cœur.
Je vous embrasse comme si vous étiez en moi et je m’unis entièrement à vous; Ne permettez pas que je me sépare jamais de vous ! O Jésus, mon souverain Bien et mon amour, blessez et enflammez mon cœur afin qu’il brûle toujours de votre amour. »
Nous sommes d’abord chrétiens, nous sommes français et pour beaucoup un peu scouts dans l’âme. Alors, nous savons où placer notre espérance, nous savons garder espoir, et nous savons comme nous débrouiller ! Ne cédons pas au découragement, à la sidération et à la paresse qui risqueraient de « tuer » notre âme, un danger bien pire que le virus. Celui-ci peut nous rendre malade, mais il nous appartient à ce que notre âme vive et soit belle de la beauté de Dieu. Son nom est Charité. Faisons particulièrement attention à ceux de nos familles qui souffrent, qui sont malades, aux voisins et aux proches. La moindre petite attention est source de nombreuses grâces.
Je vous souhaite un bon dimanche de Laetare. Les ornements sont roses, l’autel est fleuri, l’orgue est de la fête pour encourager les fidèles à la joie approchante de Pâques. C’est une invitation liturgique pour nous faire comprendre que la vie chrétienne comporte toujours deux dimensions : l’aspect de pénitence et l’aspect de louange et de joie. Finalement chaque journée est Carême et Pâques. L’Église est la première à demander de voir la vie en rose. Laetare !
« Réjouis-toi Jérusalem ; rassemblez-vous, vous tous qui étiez dans la tristesse ; exultez et rassasiez-vous de l’abondance de votre consolation »
Soyez bien assurés du dévouement sacerdotal des abbés, qui restent contactables et mobilisables quand il faut et où il faut, en particulier pour les sacrements. Pour l’instant ils ont le moral et ne manquent de rien. Économiquement, cela risque d’être dur pour la vie de la maison de la Fraternité, nous reviendrons vers vous plus tard pour vous inciter dans la mesure de vos moyens à faire une offrande de Carême à la Fraternité Saint-Pierre-Tours.
Je vous propose de prier ensemble, tous les jours la prière la plus antique adressée à la Vierge Marie, la belle et efficace invocation du Sub tuum Praesidium (IIIème siècle) :
« Sous l’abri de votre miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu. Ne méprisez pas nos prières quand nous sommes dans l’épreuve, mais de tous les dangers délivrez-nous toujours, Vierge glorieuse et bénie. »
Que Saint Martin et sainte Jeanne d’Arc protègent notre pays et leur bonne ville de Tours. Que le Seigneur vous bénisse, bien unis dans la prière et l’amitié, sous le regard protecteur de Notre Dame.
Abbé Le Roux
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