Jeudi Saint, annonces et sermon
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Sermon pour le Jeudi Saint de l’abbé Le Roux
Mes biens chers frères, mes très chers amis,
Depuis quelques semaines, la dimension liturgique de la vie de l’Église est bien diminuée ou discrète. Mais elle n’a pas disparu. Les prêtres ne cessent d’offrir à Dieu le culte qui Lui est dû. Ils offrent le Saint Sacrifice de la Messe en union avec les fidèles. Les prières du Canon de la Messe résonnent d’une manière toute particulière. La Communion des Saints est le plus beau et fécond des clouds… C’est grâce à elle et aux quelques messes offertes, que tant de saints ont été nourris, que tant de chrétiens ont persévéré en ne pouvant pas assister aux offices. Et ils n’avaient pas internet. Je pense aux premiers chrétiens des missions éloignées, aux chrétiens en temps de persécution, et tout simplement des chrétiens en temps de guerre ou prisonniers dans des camps de concentration. Parmi les milliers de prêtres prisonniers au camp de Dachau, un seul d’entre eux ne pouvait célébrer la messe quotidienne. Certains pouvaient y assister, d’autre simplement s’y unir de près ou de loin. Les prêtres polonais ont été particulièrement méprisés et persécutés. La vie sacerdotale du Cardinal Mindszenty est exemplaire. La lecture de ses Mémoires est édifiante… Il a été privé pendant des années de la célébration de la Messe, et quand il le pouvait, de la présence de ses chers catholiques hongrois. Beaucoup d’hongrois n’ont pas perdu ni la foi, ni le bon sens.
Alors ces semaines de privation sont une invitation à avoir un plus vrai respect, un grand désir de recevoir la vie de Dieu, Jésus-Eucharistie, la grâce de Dieu, le pardon du Christ. Encore une fois, nous ne devons jamais nous habituer à la grâce qui est avant tout un don gratuit et non un dû acquis. Soyons dans l’allégresse et l’action de grâce quand la Providence permet à notre âme d’être sacramentellement « visitée » et donc habitée par le Maitre.
Oui, nous pouvons être légitimement attachés aux moyens de Salut que le Bon Dieu a voulu pour nous communique sa grâce, en particulier à travers le ministère sacerdotal réel. Il n’a été possible et n’est toujours possible qu’à travers le mystère de la Croix, « scandale pour les juifs, folie pour les païens ». Le monde refuse la Croix, cette folie et faiblesse de Dieu qui aime ses créatures. Hier, aujourd’hui et demain.
Dans mon bureau, trône au-dessus de ma tête, un magnifique crucifix sculpté par les sœurs de Bethléem, qui m’a été offert à l’issue d’un pèlerinage en Terre Sainte. Le Christ Prêtre et victime. La différence spécifique, le vêtement écarlate. Le Christ Prêtre et Victime porte une seule livrée. Celle du Fils de Dieu, Juge, Prophète et Roi des Cieux.
« Viens, suis-moi ». Le Christ Prêtre a choisi des hommes pour qu’ils deviennent disciples et apôtres.
« Faites-ceci en mémoire de moi ». Par la grâce d’ordination, ces apôtres sont configurés pour rendre présent le Christ crucifié et ressuscité. Ils deviennent alors prêtres du Christ, ces médiateurs qui rendent présent le Christ pour conduire les hommes, tous les hommes, au Ciel.
Pour rester fidèle, à cet appel, à cette vocation, tout prêtre du Christ accepte de porter trois types vêtements. Trois vêtements, symboles de trois missions confiées par le Christ à ses prêtres au Cénacle.
Soutane : le vêtement du disciple du Christ.
La soutane ou l’habit spécifique marque le renoncement au monde et à ses attraits. Il rappelle la fidélité à l’enseignement du Christ et de l’Eglise. Il pousse au respect. Le Christ s’adresse ainsi aux apôtres et aux disciples par la Prière Sacerdotale. Si belle. Un testament spirituel. Le disciple qui entend la prière sacerdotale, n’a plus qu’un seul choix. Il est du monde mais Il n’appartient plus tout à ce monde. « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements ». « Je leur ai donné ta parole et le monde les a pris en haine. Je ne te prie pas de les retirer du monde, mais de les garder du mauvais. Ils ne sont pas du monde, comme je ne suis pas du monde. Consacre-les dans la vérité : ta parole est vérité ». Le disciple du Christ est marqué invisiblement pour l’éternité par la Parole de Vérité et l’action continuelle de l’Esprit Saint : « L’Esprit-Saint, que le Père enverra en mon nom vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit ». Le prêtre, disciple choisi, privilégié mais aussi très exposé « Si le monde vous hait », se doit de se distinguer visiblement, signe de la présence du Christ dans le monde et de la paix promise.
La soutane est le vêtement du disciple du Christ. La soutane invite le prêtre à vivre dans l’humilité.
Tablier : le vêtement du serviteur de Dieu.
Un prêtre missionnaire en Afrique m’avait confié ceci : « Monsieur l’abbé, savez-vous ce qui manque à la cérémonie d’ordination sacerdotale ? La remise du seul ornement porté par Jésus Christ lors du dernier repas… un tablier. » Cette remarque m’avait fait réfléchir. Elle doit nous faire réfléchir. Telle est la vocation du prêtre : Servir. Aimer servir. Sans cesse. Au delà des signes visibles importants par ailleurs, c’est la réalité du message qui importe. Depuis le Jeudi Saint, par le lavement des pieds, le prêtre est appelé à être un serviteur. « Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande ». Il nous commande d’aimer, de servir et de répandre son royaume de la Grâce. Avec fidélité et pureté. En effet, tels Judas, nous ne sommes pas tous purs.
Nous touchons intimement à une vérité du sacerdoce catholique qui vient du Christ, de qui proviennent toute sa noblesse et sa richesse. « Le prêtre n’est pas prêtre pour lui disait le curé d’Ars, il l’est pour vous ». Le Christ, si grand s’abaisse au rang le plus infime… Posément, il quitte la présidence du repas, ôte ses vêtements d’honneur et se met dans le dépouillement d’un homme qui veut travailler ou servir, se revêtant de l’habit. Il adopte l’attitude du serviteur : à genoux, il est à leur pieds… Le prêtre n’est pas prêtre pour lui, il est prêtre pour l’Eglise et pour l’éternité. Choisi, appelé, ordonné puis envoyé pour la continuation du sacerdoce du Christ dans le monde ici et maintenant au service exclusif des âmes.
Le prêtre est non seulement un serviteur mais il est aussi pécheur. Priez pour que les prêtres soient donc toujours de fidèles et purs serviteurs. Ce sont les deux vertus nécessaires pour qu’ils laissent la première place au Christ dans leur âme marquée du sceau du Sacerdoce et qu’ils puissent transmettre les grâces des sacrements dont ils sont les ministres ou les simples intendants. Le Christ s’est abaissé jusqu’à nous et la mort pour nous donner la vie éternelle et il a voulu que certains hommes soient élevés pour l’aider dans cette œuvre de Salut… Ceux-ci ne tirent leur élévation que de leur condition de serviteurs de Dieu, En effet, il ne peut exister de sacerdoce véritable et fécond sans que les prêtres ne renoncent à eux-mêmes et à beaucoup de biens, des biens légitimes. Pourquoi ? Pour suivre uniquement le Christ et être tout à tous, en ne faisant rien à moitié. Priez pour que vos prêtres ne tombent pas dans les pièges du cléricalisme de droite ou de gauche qui n’aurait comme seule ligne de convergence, une trahison de la scène de l’Evangile de ce jour : « Je suis venu pour être servi et non pour servir ». En d’autre termes paresse et suffisance.
Benoit XVI nous avait donné ce beau message d’encouragement : « Jésus marche devant nous et va vers le haut. Il nous conduit vers ce qui est grand, pur… vers le courage qui ne se laisse pas intimider par les jacasseries des opinions dominantes. ». Tout cela n’est vrai et possible que si les ministres en premier, mais aussi tous les catholiques acceptent d’aimer jusqu’au bout, en serviteurs. Un autre missionnaire partageait ce constat : « Cela ne va pas vite, les conversions. C’est sans doute que nous ne sommes pas saints pour une part ». La sainteté passe avant tout par cette ouverture du cœur – pureté – et disponibilité de l’âme – fidélité – au service de Dieu.
Le tablier est le vêtement du serviteur de Dieu. Le tablier rappelle au prêtre à donner dans la fidélité et la pureté.
Enfin, la chasuble : le vêtement du ministre et victime du Sacrifice.
Le prêtre : homme du Sacrifice et homme des sacrifices. La raison d’être et de vivre du prêtre, c’est le Sacrifice de la Messe, cœur de la vie de l’Église. Actualisation non sanglante du Sacrifice du Christ pour le salut des âmes, de nos âmes, commencé lors du Dernier Repas. Tout est dit dans cette phrase de l’Evangile de ce soir, « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin… ». A l’image et à la suite du Christ, le prêtre se doit d’être prêtre et victime, pasteur et agneau, revêtu du même manteau, celui de la charité, symbolisé par la chasuble qui le couvre complètement.
Le prêtre n’est pas simplement le pasteur qui prend soin de ses ouailles ; il est aussi l’agneau qui s’offre dans sa sollicitude pour elles. Les fidèles confiés ne sont pas des poids ou des importuns, ils sont le cœur, le corps et le sang du prêtre, pasteur et agneau. Il a fallu le spectacle du pasteur crucifié, immolé comme une brebis pour faire comprendre aux hommes combien Il les aimait. Et cette action du Christ continue, se communique dans et par l’Eucharistie, à travers tous les aspects sacerdotaux du ministère des prêtres.
La chasuble est le vêtement du ministre et victime du Sacrifice. La chasuble encourage le prêtre au don de sa propre vie dans la charité.
Le disciple appelé un jour par le Christ, qui accepte librement de servir Dieu pour toujours doit aussi se donner jusqu’à donner sa vie comme Jésus, tous les jours. Le prêtre de Jésus se doit donc de porter ces trois vêtements : la soutane du disciple, le tablier du serviteur et la chasuble du ministre et victime du Sacrifice. Malheur à lui et aux âmes qui lui sont confiées s’il vient à en oublier ou ôter l’un ou l’autre…
Je vous demande de prier pour vos prêtres avec l’intention principale qu’ils soient doux, humbles et purs de cœur… Cela sera pour eux la seule manière d’être réellement prêtres et de mériter la remarque d’un pèlerin d’Ars : « J’ai vu Dieu dans un homme ». Sans prétendre à la sainteté imminente du Saint Curé, tout prêtre, par son être sacerdotal est un signe de la présence de Dieu parmi les hommes et c’est par l’humilité du disciple, la pureté du serviteur et la douceur du ministre que le prêtre vivra réellement le Sacerdoce du Christ et fera rayonner le Royaume de la grâce.
On peut se demander légitimement comment les apôtres ont réagi au soir du Jeudi Saint, puis dans la nuit du Vendredi au Samedi… puis au lendemain de l’Ascension et même après la Pentecôte. Ils étaient prêtres du Christ pour l’éternité mais comment Le Suivre, comme le prêcher, comment Le Donner ? Ils ont du se sentir bien confinés, abandonnés, désorientés… Peut-être que Saint Pierre a tenu des propos aux apôtres et aux disciples dans l’esprit de ces paroles du Docteur Dor, tout récemment décédé « Le 30 octobre 1986, je réunissais quelques amis dans mon laboratoire de la Pitié Salpêtrière. Nous étions cinq. Je me suis dis alors que nous aurions des épreuves, que nous ferions des erreurs et même aussi des péchés mais de toute façon nous étions des pécheurs et le pire était de ne rien faire ou à moitié. C’est nous alors qui aurions mauvaise conscience ». Les apôtres n’étaient plus que onze mais la Sainte Vierge était là, elle veillait. Elle les rassurait. Elle les conduisait à son Fils. Et les apôtres ont annoncé le Christ aux nations. Depuis, nous sommes une multitude. Une multitude de pécheurs et de saints. Elle avait dit aux serviteurs de Cana : « Faites ce qu’Il vous dira ». Elle a dit aux apôtres : « Faites ce qu’Il vous a dit ». Tous les jours, elle nous dit : « Faites ce qu’Il vous dit ».
Notre Dame du Cénacle, fortifiez et purifiez notre foi, maintenez par votre regard maternel l’espérance en nos coeurs, surtout chez ceux qui souffrent et qui doutent.
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il !
Prière proposée :
« Ô Jésus, Eternel souverain Prêtre, gardez vos prêtres sous la protection de votre Sacré-Cœur, où personne ne peut leur faire de mal. Gardez sans tache leurs mains consacrées, qui touchent chaque jour votre Corps sacré. Gardez pures leurs lèvres, qui sont empourprées de votre Précieux Sang. Gardez pur et détaché leur cœur, qui est marqué du sceau sublime de votre glorieux Sacerdoce. Faites-les grandir dans l’amour et la fidélité envers Vous ; protégez-les de la contamination de l’esprit du monde. Donnez-leur avec le pouvoir de changer le pain et le vin, le pouvoir de changer les cœurs. Bénissez leurs travaux par des fruits abondants, donnez-leur un jour la couronne de la Vie éternelle. Ainsi soit-il. » Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.
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